à propos/about

 

« Embrasser l’inconnu », Tedx ENTPE, Lyon.


 


Entretien à l’auditorium du FRAC Bretagne dans le cadre du séminaire de John Cornu, enseignant-chercheur à l’Université Rennes 2, le vendredi 13 octobre 2017, sous la responsabilité d’Angélique Mangeleer et du groupe de recherche du PTAC de l’Université Rennes 2.

lien: entretien-cornu-Provost-Rennes2


 


Géométrie dans l’art : La dimension industrielle .

Marine Provost explore l’univers géométrique du monde industriel. Ces joints de culasse monumentaux ,ces formes abstraites à l’échelle XXL nous font entrevoir toute la poésie et la magie de ce qui nous est d’ordinaire cachée.

Inspirée par le bruit des ateliers de mécanique automobile, les formes épurées de notre ère post-industrielle recomposent, sous ses mains, des paysages ludiques où nous sommes invités à plier nos représentations.

Les objets du quotidien peuvent  s’absoudre et se dissoudre de la main du plasticien. Le joint ,d’ordinaire comprimé et opprimé par des pièces sans scrupules se trouve mis en exergue et réhabilité lorsqu’il se libère de son oppresseur.

L’Art impose sa réflexion comme Leibnitz imposait ses plis dans la pensée philosophique . Le travail de Marine Provost est avant tout une démarche plastique habitée par le discours philosophique de l’objet. Un travail d’équilibriste entre la pensée abstraite et le concret des ateliers Citroën ou Peugeot . Libérons le joint de son oppression mécanique.

igor Deperraz, octobre 2016


Côte à côte, face à face, dos à dos

En choisissant d’exposer Quentin Lefranc et Marine Provost dans son appartement, Florence Cocozza nous invite à penser notre relation à l’oeuvre à travers la notion d’intimité. En privé, l’art devient la possibilité d’une expérience familière, d’une temporalité longue, de redécouvertes autant qu’on le souhaite avec facilité. L’intime, François Jullien le définit comme l’expérience de l’altérité : « L’intime dit donc ainsi les deux et les tient associés: le retrait et le partage. Ou plutôt que, du fait même de la possibilité du retrait, naît la sollicitation du partage. » (1) Florence Cocozza déplace l’intimité des lieux pour la porter dans les rapports humains qui vont se tisser autour des oeuvres, dans les discussions. Voyons cet espace alors plutôt comme un aparté qui permet une confrontation sous tous les angles, Côte à côte, dos à dos, face à face. Quelles formes de vie les oeuvres ont-elles dans une conversation ? Quel seuil de vigilance, quelles connivences activent-elles dans nos points de vue ? Quand l’art entre dans notre quotidien, il n’y a pas acte plus vivant et réaliste, ces œuvres auront donc l’histoire que vous voudrez bien leur donner.

L’intimité est prétexte à discussion, elle révèle une diversité de regards tout en fixant d’entrée de jeu la constante d’un support fort, celui de l’architecture des lieux. Les oeuvres, leur placement, sont les points névralgiques d’une rencontre, d’échanges, comme les châssis de Entre parenthèses de Quentin Lefranc et le Parapoteau de Marine Provost qui chacun à leur manière enserrent et jaugent l’espace. Chaque oeuvre réorganise le volume donné du salon selon des axes énergétiques qui vont reconfigurer notre connaissance et la mémoire du lieu, nos déplacements, nos positions. « Voir, c’est avoir à distance » (2) déclare Maurice Merleau-Ponty. Le supposé caractère d’immédiateté accordé au sens de la vue peut être relativisé avec cette assertion. Pour voir il faut prendre de la distance, avoir conscience de l’espace qui nous entoure pour mieux examiner la matière des objets. Marine Provost et Quentin Lefranc prennent cette distance dans leurs pratiques contextuelles respectives. Quentin Lefranc use du vocabulaire plastique, en travaillant sur le châssis, la déstructuration, il questionne la spatialité de la peinture avec les caractéristiques matérielles de celles-ci : toile, châssis, composition. Marine Provost, elle, scrute les objets du quotidien, notamment de l’univers mécanisé et rural. Elle opère des glissements de sens à partir de leur fonction première pour les tourner vers une nouvelle intention matérielle. L’acte de référenciation est également au coeur de leurs processus de travail. Tandis que Marine Provost développe une logique esthétique propre à l’abstraction géométrique et à son histoire, Quentin Lefranc introduit l’architecture moderniste dans son travail pour penser la déstructuration comme le terrain de potentialités esthétiques. Il pense notamment le rapport de la peinture à l’espace en convoquant d’autres disciplines telles que l’architecture et le design. Les deux attitudes des artistes en forme de chiasme se répondent. Quentin Lefranc dissout : « En utilisant des images, j’essaie de ne pas en faire ». Marine Provost prélève : « Montrer ce qui empêche de voir, donner à voir ce qu’on ne voit plus ».

Avec MF/FM, Marine Provost redonne avec humour une visibilité à un logo démultiplié, figé, qu’elle va réifier. Activiste de la forme détournée, elle laisse émerger un élément géométrique simplifié et agrandi, le logo détouré en néon de Massey Ferguson, constructeur de matériel agricole. Ces quatre triangles rouges, pointe vers le bas, s’attachent à définir une signalétique, et deviennent une héraldique, dans un hommage à François Morellet. Nouvelles armoiries de l’abstraction, cette oeuvre est un parasitage, un décalage du monde rural au monde artistique, une présence plus qu’une occupation des lieux, visible la nuit de l’extérieur de l’immeuble. L’oeuvre Parapoteau, elle, vient apporter une dissonance au milieu du salon de l’appartement. La fascination particulière de Marine Provost pour le trivial suggère au visiteur de s’ouvrir à une part de flexibilité, de négociation, et d’invention à partir d’indices visuels. Le pragmatique de la signalisation routière se déplace dans l’univers symbolique du salon et en retire la logique d’un lieu intime. La colonne est le signe de fondations stables et solides. L’artiste intervient dans les lieux en la peignant d’un bleu vif, puis en l’entourant d’un paravent aux motifs jaunes et noirs, inspirés des poteaux de signalisation présents dans les parkings souterrains. Ce motif utilitaire est alors déplacé dans le contexte artistique et devient purement décoratif. Inversement, la colonne se mue en objet sculptural, et non plus colonne fonctionnelle maintenant l’intégrité de la structure ; le paravent lui apporte une certaine profondeur.

A chair, présente dans le salon, détourne la fonction première de l’objet utilitaire et lui insuffle un potentiel imaginaire. Des assemblages de panneaux noirs sont posés au sol. Référence directe à la chaise de Donald Judd, ils ont conservé la couleur et les dimensions d’origine, mais l’oeuvre est en état de latence, en attente d’être montée. Une affiche, avec une succession de titres (d’ouvrages, d’expositions chères à l’artiste) est donnée à lire à proximité de l’oeuvre. Ce corpus se livre comme une métaphore des enjeux prédominants de la pratique de Quentin Lefranc. A chair est le signe d’un état processuel. La chaise perd sa fonction première, évanouie, elle devient plutôt la mise en scène d’un décor en devenir. Le déplacement de perspective est d’autant plus fort qu’il est perçu depuis un appartement. Les panneaux posés au sol sont le signe de l’instabilité, de nos habitus perdus, d’une oeuvre en devenir.

L’activation du corps, comme placement, posture est une autre donnée commune à la pratique des deux artistes. La chambre qui accueille leurs oeuvres révèle cette approche. On y découvre une photographie en noir et blanc, un fragment de pas sur un carrelage en damiers qui rappelle la perspective italienne, avec un châssis retourné en toile de fond (En route !). Le vocabulaire plastique de Quentin Lefranc est figuré à demi dans ces conditions de la perception. Il expérimente l’espace matériel de la peinture, entre autres dans sa relation au déplacement. Ce corps mouvant, agissant, est engagé dans la projection, dans la profondeur de la perspective. Ce déplacement semble moins relever d’une corporéité dans l’espace que d’une conscience dans le temps, repérable dans la tension d’un présent singulier. Le vinyle noir de Marine Provost lui, semble se donner comme un artifice, entre drapé moiré et carrosserie flamboyante de voiture rutilante. Le trait y est une excision, un retrait. Une certaine sensualité se dégage de ces oeuvres présentées côte à côte. La démarcation forte entre leurs textures propage cependant la translation continue d’une attraction fluide et mobile.

Enfin, Vue d’atelier, sise dans l’entrée de l’appartement est le vocable de la pratique de Quentin Lefranc, comme un prélude aux oeuvres qui vont suivre. L’expérience de l’oeuvre sera dans l’agir, elle consiste non pas à découvrir des objets mais à conscientiser son regard, en le plaçant vers l’intérieur ou vers l’extérieur. Une composition se donne à voir, châssis, plan, cadre, poteau, fond. C’est le vocabulaire de la peinture comme espace, comme une architecture en devenir. La perspective devient une investigation méthodique, plus qu’une reproduction des apparences. Ce qui est encadré, nous le percevons comme représentation, par opposition à la réalité extérieure. Circonscrire la végétation, c’est en faire un labyrinthe de lignes. La percevoir de l’intérieur, c’est ouvrir un peu plus le monde à l’acuité de nos sens. Plus que des entités singulières, elle montre des variations de lumière et des textures de surface. Vue d’atelier confronte alors un espace contradictoire entre réel et illusion, perception et imagination, sans ligne d’horizon. Les oeuvres de Quentin Lefranc et Marine Provost donnent ainsi un aspect sculptural aux objets fonctionnels, ils dissolvent les certitudes de l’espace réel, pour lui substituer le pouvoir de l’imaginaire. Ces moments de déliaison, de confrontation entre leurs deux démarches engendrent un libre éveil de l’attention au beau milieu de l’intime.

1 François Jullien, De l’intime, Loin du bruyant amour, Paris, Grasset, 2013, p. 29. 2 Maurice Merleau-Ponty, L’oeil et l’esprit, Paris, Gallimard, 1960, p. 27

Sandra Doublet


CARTEL

Le vocabulaire esthétique de Marine Provost s’inspire du monde rural et de l’univers du garage pour être considéré sous l’angle de l’histoire de l’art. Toute reproduction de forme industrialisée devient un motif de l’abstraction géométrique tout en recevant un supplément de séduction, de physicalité qu’il n’avait pas jusqu’alors.

La série des Cartels débutée en 2009 rappelle une pure histoire des formes de l’abstraction. L’opération consiste à repérer, à nommer et à signer une forme abstraite présente dans un musée et non répertoriée officiellement comme une œuvre. Par la simple pose d’un cartel, Marine Provost désigne comme oeuvre d’art une formes élémentaire qui renvoie au fonctionnement du lieu et à sa transformation : prise électrique, grilles d’aération, issue de secours. L’oeuvre apparaît alors hors champ, le regard se déplace sur le sol, aux extrémités des murs. 

Marine Provost dédramatise ainsi la fonction de l’art, le syndrome de l’oeuvre d’art originale et inspirée. Elle pose les règles d’un jeu désinvolte en apparence, entre vandalisme et évidente beauté qui nous aurait échappé. Dans l’espace de l’Atelier dédié à la collection d’Alain Le Provost, une forme abstraite dans l’espace est mise en valeur par le positionnement d’un cartel qui la fait advenir comme oeuvre d’art. Par une simple opération de désignation, et non de déplacement de l’objet, l’artiste questionne la situation de discours qu’implique une présentation publique d’oeuvre d’art. Le geste est aussi affirmé qu’il est discret, l’oeuvre tient par une simple mise en acte.

Texte de Sandra Doublet à l’occasion de l’exposition « Le coeur des collectionneurs ne cesse jamais de battre », 2018, Nantes.


Le moindre est fort

L’AURA ET CAETERA par Georges Cazenove

Dès son arrivée à Cerbère en train, en sortant de la gare, Marine Provost se souvient qu’un son l’a surprise et saisie. Le vent soufflait et il y avait dans l’air cet air, ce son inouï, ce chant plus ou moins envoûtant, cette musique en même temps étrange et familière produite par un phénomène somme toute assez simple ; à savoir que, ce qu’elle ne savait pas encore, dès que le vent d’Espagne, le Garbi, s’engouffre entre les lames d’acier de la rambarde qui longe la route accrochée par Eiffel aux schistes de la baie, où que l’on soit à Cerbère, on entend quelque chose comme le chant des sirènes, ce chant aux charmes maléfiques duquel seuls Ulysse dans l’Odyssée et Orphée dans la Toison dOr ont dit-on réussi à échapper.

Pour attirer l’attention sur ce phénomène, pour qu’il devienne remarquable, pour inviter tout passant à tendre l’oreille lorsque le Garbi souffle, Marine Provost a choisi de poser une plaque gravée au début de la rambarde et de tracer au sol une ligne d’or sur toute la longueur de la rambarde. Pour faire écho à cette intervention qui se résume quelque part à ajouter à l’oeuvre déjà-là, à ce chant des sirènes, l’aura qui lui manquait. Marine Provost a par ailleurs peint couleur or un acropode de la digue et une partie du mur de la plage.

Pour répondre à cette auratique série, parce que Cerbère est une cité catalane, parce que les couleurs héraldiques de la Catalogne sont sang et or, parce que Cerbère était aussi le nom du chien tricéphale qui gardait chez les Grecs l’entrée des enfers, Marine Provost a choisi d’intervenir dans le passage souterrain de la gare ferroviaire en mode monchrome rouge.

La référence au passage du Styx, ce fleuve mythique qui séparait le monde, le réel, la vraie vie et les enfers, est claire. À Cerbère, le passage souterrain de la gare offre à toute personne qui l’emprunte ce qu’il faut d’ombre, de fraîcheur, de courant d’air, pour échapper à l’infernale chaleur ambiante, la canicule, la fournaise. « C’est pourquoi j’ai souhaité, explique l’artiste,installer de (fausses) fourrures rouges sang sur les panneaux d’affichage du passage et ajouter des gélatines rouges sur les néons. Histoire de rappeler que le passage du Styx n’est jamais agréable et que, c’est bien connu, il fait chaud voire très chaud dès qu’on arrive aux portes de l’enfer. »

Dans son essai Inside the White Cube / L’espace de la galerie et son idéologie, édité en 2008 par JRP / Ringier, l’artiste Brian O’Doherty se posait déjà la question : « Est-ce qu’on ne pourrait pas enseigner le modernisme aux petits enfants sous forme de fables à la manière d’Ésope ? Elles seraient plus mémorables que des jugements critiques. Imaginez des fables intitulées Qui a tué l’illusion ? ou Comment le Bord se révolta contre le Centre ? » Cet été à Cerbère, avec ses monochromes or et sang, Marine Provost nous renvoient directement au grand mythe d’Orphée. Un Orphée parvenant avec sa lyre à amadouer le vigile Cerbère et à obtenir d’Hadès, dieu des enfers, une forme de liberté conditionnelle pour Eurydice. Un Orphée qui avait par ailleurs réussi, dans l’épique épisode de La Toison d’Or, toujours grâce à son chant et aux sons de sa lyre à neuf cordes, à désenchanter le chant des sirènes et à sauver ainsi du naufrage, entre Charybde et Scylla, ses argonautes compagnons d’épopée.

Le voeu de Brian O’Doherty sera donc exhaussé cet été à Cerbère. Quant à l’aura de l’oeuvre d’art, dont Walter Benjamin annonça le déclin, il est clair que Marine Provost est prête à en produire et reproduire encore…


« Ma pratique artistique est étroitement liée à la perception du quotidien, à l’influence qu’a notre environnement sur ce que nous sommes. Les matériaux, les outils qui me servent sont ceux qui se trouvent au sein du lieu où je me trouve. Je reviens d’une année de résidence dans un ancien garage, en zone rurale et mes dernières pièces sont le résultat de cette imprégnation. Les dernières œuvres sont faites de plastique de carénage moto, de joint d’admission, entre autres objets remarquables de ce double univers de campagne et de cambouis. Mon travail répond cependant toujours à une logique esthétique propre à l’abstraction géométrique et à son histoire. Les objets que j’exploite sont systématiquement sortis de leur fonction première. Ils sont considérés pour leur matérialité et le potentiel que celle-ci offre, au service d’une pensée plastique.

D’une chose on peut en faire une autre, tout est une question de point de vue. »

Marine Provost, 2016.


En s’opposant à l’idée d’un art « record » déterminé par les prouesses techniques, un art spectaculaire ou encore polémique qui étouffent les médias télévisés, MARINE PROVOST va tenter de se démarquer de cette atmosphère qui l’asphyxie.

La base de sa réflexion est à la fois une « fenêtre ouverte sur le monde » comme le disait Alberti, et à la fois une clôture, une barrière. C’est ce qui se cache dans l’ombre qui va devenir le sujet principal de son œuvre. Sa création, aussi étonnante qu’insolite, réside alors dans le déplacement du regard : d’une part elle expose là où on ne l’attend pas, comme dans sa série les « Cartels ». Elle n’expose pas toujours là où on l’attend, comme le montre l’exposition non accrochée « Je préfère ne pas ». Elle attire notre attention sur ce qu’il ne faut pas regarder, comme dans ses figurations dans les publics d’émissions télévisées, ou encore ses performances à la caisse du théâtre de la Michaudière, intitulées « une caisse, une oeuvre ». MARINE PROVOST se plaît à nous questionner sur nos connaissances, préjugés et jugements de valeur.

Enfin, de 2013 à 2015, elle nous emmène à voir des objets qui ne sont pas vus et qui pourtant font partie de notre quotidien comme les « Fantômes ». Elle explique : « Les Fantômes […] sont des reprises des motifs qui recouvrent les intérieurs des enveloppes postales. J’ai scanné ces trames et j’ai, sur chaque toile, fait imprimé en digigraphie, 1m² de ce motif, le reste de la toile est le prolongement à la main du motif choisi.

Le titre “fantôme” est lié aux origines de la trame. En imprimerie, un effet fantôme évoque l’apparition du texte par transparence sur le verso d’une page. L’intérieur des enveloppes postales est couvert d’une trame pour éviter toute transparence et ainsi garder la confidentialité du contenu ».

Les Fantômes de MARINE PROVOST, mi-peinture mi-digigraphie, traduisent le besoin d’exploiter un objet réel, un objet du quotidien, auquel nous ne faisons pas attention : le papier-enveloppe est alors réévalué et prend une dimension à laquelle on ne l’a jamais attribué, une dimension artistique.

Galerie Oniris, 2015.


 

MOSSET_recto MOSSET_versoDédicace d’Olivier Mosset à l’occasion de l’exposition des « Fantômes » à la galerie ONIRIS, 2015.


MP-VITE-1ouest_france_mpvite_1 flash info 6 juin 2016 1er_jui_2016_ouest_france eclaireur-20mai2016 ouest-france-11mai2016 27_mai_2016_eclaireur journal_article sac_bleu_orange_5 eclaireur_15_juillet_2016 ouest_france


Singer et Fantômes – Marine Provost  Exposition d’hiver à l’ASPHAN. Entretien avec l’artiste :

« J’ai fait une première année aux Beaux Arts de Lorient, ma deuxième année à Milan en Italie, je suis arrivée à Paris en 3ème année j’y suis restée jusqu’à la 5ème année.
Ensuite je suis devenue professeur dans un lycée professionnel pendant un an. J’ai arrêté pour reprendre une activité artistique et écrire dans une revue nomméeJoséphine. Au sein de cette revue j’ai publiée des oeuvres mais aussi des entretiens avec Daniel Buren ou encore Olivier Mosset. Dernièrement j’ai rencontré Michel Onfray. Mon travail théorique traite de la question de la transmission, comment permet on l’accès à une oeuvre, une pensée ? Pour cette exposition je présente deux séries, Singer et Fantômes.
Les  Singer  sont des toiles recouvertes d’une matière vinylique que je plie, tends, afin d’obtenir des drapés. Cette matière permet d’avoir un rendu proche d’une peinture à l’huile déjà sèche. Une peinture sans odeur, qui ne tache pas, pas d’outil à nettoyer, pas d’atelier à installer, une peinture sans contrainte. Le rendu finale peut être assez proche des images de Pierre Soulage, des drapés de Christo et Jeanne Claude, ou encore du travail de Fontana.
Les  Fantômes  présentés dans l’église sont des reprises des motifs qui recouvrent les intérieurs des enveloppes postales. J’ai scanné ces trames et j’ai, sur chaque toile, fait imprimé en digigraphie, 1m2 de ce motif, le reste de la toile est le prolongement à la main du motif choisi.
Le titre « fantôme » est lié aux origines de la trame. En imprimerie, un effet fantôme évoque l’apparition du texte par transparence sur le verso d’une page. L’intérieur des enveloppes postales est couvert d’une trame pour éviter toute transparence et ainsi garder la confidentialité du contenu.
Le titre de l’exposition «  Vous m’avez fait former des fantômes  » est une citation de Sade. La citation complete est « vous m’avez fait former des fantômes qu’il faudra que je réalise »… Hervé Guibert a également repris cette formule pour le titre d’un de ses romans. »
Marine Provost

 

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Ultralocal: Marine Provost

La Régie / A7 Experience

Le workshop organisé par Ultralocal, lié au déplacement, à l’expérimentation, et au vivre ensemble, m’a offert la possibilité d’explorer ces notions à travers une pratique peu visible et pourtant très présente, l’exercice de l’ascèse. Je me suis engagée dans cette discipline de vie durant six jours et l’ai nommée: A7 EXPERIENCE. L’A7 étant l’autoroute dite du soleil. 
Six jours durant lesquels je n’ai ingéré que de l’eau, du thé du café, deux ou trois verres de vins, de la bière et quelques chocolats chauds. Aucune nourriture solide. J’ai, par mon jeûne, voulu déplacer l’énergie produite pour digérer les aliments vers d’autres parties de mon corps. L’abstinence sexuelle était aussi liée au déplacement, mon compagnon étant resté à Paris. Les plaisirs sexuels et gastronomiques mis de coté, je pouvais me consacrer pleinement au corps collectif.
La pratique état assidue mais ne visait pas la performance masochiste, la limite de mon exercice étant la frustration. S’il y avait eu des prémices d’aigreur, de colère ou de tristesse, ma tentative aurait été avortée. J’ai pu ressentir au fil des jours un apaisement et un bien-être optimal. Ma vie d’ascète m’a permise d’augmenter ma sensibilité du corps, d’avoir une conscience de l’essentiel et de l’autre.
Le terme d’ascèse vient du grec askêsis « exercice, pratique » et était associé aux arts et métiers avant d’être repris par le latin qui apportera une connotation religieuse. La vie ascétique que peuvent mener certains moines est un acte de renoncement au monde, une négation du corps. Je me positionne comme une artiste qui choisit de se confronter à ce monde et à cette pleine existence. L’ascèse sur une courte période permet une intensité de cette existence, tous les sens sont décuplés. Je me suis nourrie des odeurs, des lumières, réflexions, des discussions, du corps des autres. Je me suis emplie de leur vie, étant moi même déchargée des humeurs et des rythmes liés à mon propre corps. Je n’ai ressenti ni fatigue, ni faim, ni tristesse. J’étais au contraire dans une joie constante de l’être ensemble, tendant vers une béatitude assez déroutante pour moi comme pour l’ensemble du groupe. L’ascèse est associée à l’élévation, mouvement du bas vers le haut, l’autoroute A7 est connu pour mener vers le soleil du sud de la France, j’ai voulu étendre ces propositions liées au déplacement avec une autre pièce nommée 
PROSPECTIVE.

Marine Provost